Une perruque n’est jamais “juste une couleur”. Derrière un simple code comme #1B, #27 ou #613 se cache une histoire millénaire, une science précise et un langage universel qui unit les fabricants, les salons et les clientes du monde entier. Les couleurs des perruques racontent l’évolution de l’esthétique, de la technique et même de la culture. Comprendre leur codification, c’est lire une carte de l’industrie capillaire — mais aussi une clé de beauté et d’identité.
Des perruques antiques aux codes modernes

Bien avant les chiffres et les nuanciers, les perruques ont été des objets de prestige.
- Égypte ancienne : les reines et pharaons portaient des coiffes noires épaisses, souvent ornées de perles et d’or. Le noir était signe de pouvoir et de vitalité.
- Rome et Grèce : les femmes de l’élite adoptaient des chevelures blondes ou rousses, importées des Gaules ou de Germanie.
- Cour de Louis XIV : les perruques poudrées blanches deviennent un signe de rang social, uniformisant les couleurs pour donner prestige et solennité.
Il faudra attendre le XXe siècle pour que l’industrie mondiale des perruques, portée par les communautés afro-américaines et asiatiques, invente un langage simple et universel : les codes numériques.
La naissance des codes : un langage universel
Dans les années 1950–1970, les fabricants de cheveux et perruques en Corée et aux États-Unis cherchent un moyen de simplifier les échanges. Ils créent un système numérique où chaque numéro correspond à une nuance standard.
- #1 : Noir intense (“jet black”), très profond, presque bleuté.
- #1B : Noir naturel, le plus populaire dans le monde, légèrement adouci par des reflets bruns.
- #2 : Brun foncé, première variation perceptible.
- #4 : Brun moyen, plus chaud, plus lumineux.
Ce système s’impose car il est universel, simple et exportable. Un salon new-yorkais, un grossiste à Lagos et une manufacture en Chine pouvaient commander et échanger sans confusion.
Un standard… mais imparfait
Si ces codes sont devenus mondiaux, ils souffrent d’un paradoxe :
- Un #27 (blond miel) n’est pas strictement identique d’une usine à l’autre : plus doré ici, plus cuivré ailleurs.
- La matière influence : un #613 sur cheveux indiens bruts est plus profond, plus soyeux qu’un #613 synthétique, qui tend au jaune artificiel.
- Les époques modifient la perception : un #30 (brun cuivré) des années 90 paraît aujourd’hui plus orangé que ses équivalents actuels.
Ainsi, les codes sont des repères industriels, mais pas une vérité absolue.
L’explosion des nuances : balayages, ombrés et fantaisies
À partir des années 2000, la mode s’impose à l’industrie capillaire. Les clientes ne veulent plus seulement du noir ou du brun, mais des nuances travaillées, inspirées des salons de coiffure occidentaux.
- Codes composés :
- T1B/27 : racines #1B foncées qui s’éclaircissent en blond miel.
- FS4/27/30 : mélange subtil de brun moyen, miel et brun cuivré façon “highlight”.
- TT1B/613 : ombré dramatique du noir naturel au blond platine.
- Nuances fantaisie :
- #530 (rouge profond), #99J (bourgogne froid), vert émeraude, bleu électrique, gris argenté, pastels holographiques.
- Popularisées par les icônes musicales (Rihanna, Nicki Minaj, Cardi B) et relayées par Instagram et TikTok.
L’influence croisée : Afrique et Asie
Deux pôles majeurs ont façonné l’histoire des couleurs en perruques.
- Le marché afro-américain :
- Moteur de créativité et de désir de changement.
- Popularisation des teintes dorées (#27, #30) et des balayages miel.
- Influence des stars afro-descendantes : Beyoncé et ses blonds iconiques, Mary J. Blige et son #27 platine chaud, Rihanna et ses métamorphoses chromatiques.
- L’Asie (Corée, puis Chine) :
- Centre de production mondiale.
- Standardisation des codes numériques.
- Innovation technologique (lace HD, perruques glueless, nouvelles techniques de teinture).
Cette rencontre — créativité afro et maîtrise industrielle asiatique — a permis la diffusion mondiale des codes que nous connaissons.
Une lecture scientifique : pigments et textures
La couleur d’une perruque ne dépend pas seulement du colorant appliqué, mais aussi de la morphologie capillaire :
- Les cheveux indiens bruts absorbent mieux les pigments, donnant des reflets naturels et durables.
- Les cheveux synthétiques ont des reflets plus uniformes mais moins nuancés.
- Les cheveux décolorés (#613) sont plus fragiles : la mélanine ayant été extraite, leur fibre est plus poreuse et délicate.
La science colorimétrique explique aussi pourquoi certaines carnations brillent avec un #27 doré, tandis que d’autres paraissent ternes. L’équilibre entre sous-tons de peau et température de la couleur est déterminant.
Symboliques culturelles des couleurs
Chaque couleur porte une charge culturelle et symbolique :
- En Afrique :
- Le rouge incarne la force, la vitalité, parfois la guerre.
- L’or exprime la royauté, la lumière, l’abondance.
- Le noir profond est souvent lié à la puissance spirituelle et à la dignité.
- En Occident :
- Le blond = jeunesse et lumière.
- Le brun = naturel, stabilité.
- Le noir = mystère, sophistication.
- En Asie :
- Le brun foncé = pureté, classicisme.
- Les nuances colorées = modernité, audace, influence K-pop.
Demain : entre normalisation et personnalisation
Deux voies s’ouvrent aujourd’hui :
- La normalisation : les codes #1 à #613 resteront la base, car ils facilitent les échanges mondiaux.
- La personnalisation : les marques premium inventent leurs propres palettes exclusives (ex. : Miel Rayonnant™, Cuivre Baobab™, Ébène Sidamo™). Ces noms ne sont pas de simples chiffres, mais des histoires et des identités.
Dans le futur, les codes numériques seront rejoints par des langages émotionnels et culturels, traduisant la singularité des femmes qui portent ces perruques.
Un message à retenir
Les couleurs des perruques sont bien plus qu’une classification industrielle : elles sont un miroir des époques, un langage universel et une arme d’expression personnelle. Du noir des pharaons au #613 platine des podiums, elles racontent une histoire faite de science, de culture et de désir.
L’industrie capillaire a commencé avec des chiffres ; elle évolue aujourd’hui vers des récits. Demain, la couleur d’une perruque ne sera pas seulement une teinte codée, mais une signature identitaire, une couronne choisie qui traduit la force et la beauté de chaque femme.